15 Mars 2017
Et oui. Être médecin, c'est aussi côtoyer les morts.
Et pour pas que l'on tombe de haut, on nous l'infuse gentiment tout au long des études.
D'abord l'épreuve du feu. Le bizutage des cinq sens. Sous forme de dissection de cadavre.
Mais si!
Pour qu'on comprenne comment ksé fait un corps humain!
Alors là, tu vois direct qui, parmi les fiers étudiants, va devenir légiste, neurochir, orthopédiste ou...médecin de PMI...
Je me souviendrai toujours de ce mélange d'odeurs... de baume du tigre (notre parade illusoire), de corps en décomposition et d'éther...
Et puis ce stage en anatomo-pathologie. Quelques semaines pour combler un trou d'emploi du temps. Et pour voir comment la médecine peut s'exercer sans le lien direct au patient. Et là, là, on me propose d'assister à une autopsie. Un bébé. Neuf mois. Pas plus.
Je ne saurai jamais pourquoi ce bébé est mort. Je n'ai pas pu supporter.
Mais les années aidant, je me suis endurcie.
Et, un dimanche de garde, dans un petit hôpital de grande banlieue, j'ai vécu ma vengeance, ma réussite sur cadavre.
On m'appelle en salle. Le patient est mort la veille. Il a un pacemaker. Je ne sais pas pourquoi on m'a demandé, à moi, interne de garde, de lui enlever cette pile qu'il ne pouvait pourtant pas garder (impossible de laisser inhumation ou incinération se faire avec cet intrus polluant)
C'est après que j'ai appris que c'était habituellement le travail du thanatopracteur. Peut-être un bis-bizutage? En tout cas, ce fut une vraie victoire sur moi-même. Je lui ai réouvert sa cicatrice. J'ai levé les brides adhérentes, à coup de scalpel. Et lorsque j'ai réussi à extirper la chose du thorax, j'ai entendu résonner les applaudissements nourris de mon ego. Et j'ai recousu bien proprement.
Quelquefois, je me demande si j'ai rêvé ces scènes. Ou si je les ai réellement vécues...