Humeurs d'un médecin de PMI, mère et femme à ses heures
9 Mars 2017
Un jour, une maman est venue me voir à la PMI. Ça faisait quelques mois que je m'étais jetée dans la gueule de cette évidente vocation.
La maman était seule, elle n'avait pas rendez-vous. Elle avait tellement l'air paniqué. Elle s'est mise à pleurer. Sa nounou. Celle qui gardait ses deux enfants depuis trois ans. Cette nounou-là aurait eu des gestes déplacés et répétés à l'encontre de sa cadette. C'est son aîné qui le lui avait raconté. Et elle comprenait mieux, depuis, le comportement bizarre de cette nounou-là.
Le grand était déjà scolarisé en maternelle.
Je lui ai promis de tout faire pour que la plus jeune soit accueillie en urgence en crèche.
Je me souviens très bien que le médecin qui m'encadrait à l'époque (et qui m'a appris tout ce que la puéricultrice germanique de mon coeur et mon médecin-collègue d'amour ne m'ont pas appris). Ce médecin-chef-là m'avait dit qu'il ne valait mieux pas agir si vite. Mais elle a tenu compte de ma demande. Elle m'a suivie. Elle savait bien que j'apprendrais de cela. J'ai appris. En effet.
[J'ai toujours eu du mal à laisser passer du temps et à refreiner mes prises de décision. Mais ça va (un peu) mieux. Merci.]
Quelques semaines plus tard. Scandale à la crèche qui avait accueilli la petite en urgence. La mère accusait une professionnelle d'attouchements sur sa fille.
Je n'ai jamais su ce qui était réel ou fictif de ce que cette mère avait pu raconter. Peut-être ne le savait-elle pas non plus. Ce qui était réel, pourtant, c'était la souffrance de cette maman. Et celle de ses filles.
Ça a mis en vrac les professionnels de la crèche.
Bien sûr.
Il aurait mieux valu attendre. Que cette mère puisse se faire aider, soutenir, théraper. Ensuite, elle aurait pu accepter, peut-être, un autre mode de garde.
Évidemment, après son passage à la PMI, j'avais orienté tout le monde 'chez les psys'. Mais elle ne voulait pas. Elle n'était pas folle. Ses filles non plus. Oui, c'était douloureux mais la famille était soudée. Ils affronteraient cette tempête tous ensemble. Mais la plaie devait être trop béante. Je n'aurais pas dû renoncer à ''pousser au soin''. C'était trop facile. J'aurais dû aller au combat. Au combat de la conviction.
Se réfugier derrière l'adhésion nécessaire du patient pour une prise en charge psychiatrique. Quelle facilité si l'on n'a pas mis tous les moyens pour convaincre...
* Cinquante puissantes raisons de ne pas aller chez le psy. (D.Gourion, Muzo. Éditions JC Lattès2016)